Au retour de la Marche de la vie - Témoignage de Salomé Rubin

" J'ai été très émue par la journée à Auschwitz. Le fait d'avoir vu tous ces cheveux, chaussures et lunettes par milliers entassés et sans couleur m'a fait réaliser le nombre gigantesque de gens qui ont été gazés. Les photos des enfants maigres et apeurés m'ont fortement choquée. Les nazis n'avaient donc pas de cœur ? L'arrivée à Birkenau était très impressionnante. Malgré le beau temps et la verdure, nous pouvions nous projeter plus facilement. Il y avait des juifs du monde entier venus pour faire cette marche et je me sentais entourée de ma famille.
La journée à Tarnów m'a particulièrement plu. Les histoires de Dan m'ont littéralement plongée dans le sujet. J'ai surtout aimé notre temps passé dans la forêt car nous avons passé un moment à réfléchir sur le passé et sur nous-mêmes. Tout le monde a respecté ce moment de silence, ce qui a rendu l'atmosphère très paisible avec le vent dans les arbres et les oiseaux qui chantaient.
Voir le camp de Majdanek m'a fait réaliser l'horreur de la Shoah. Voir des choses concrètes m'a permis de vraiment m'imaginer le passé. La chambre à gaz m'a fortement impressionnée et j'ai ressenti beaucoup de tristesse et d'horreur.
Les visites dans les synagogues et les ghettos m'ont beaucoup touchée. Le fait d'avoir marché là où tout s'est passé m'a émue. Mais le fait que la vie ait repris son cours là où s’est déroulée toute cette période m'a surprise ; comment des gens peuvent-ils vivre là dans ce lieu qui a abrité un génocide.
Mon arrière-grand-père a toujours fait promettre à ma grand-mère de ne jamais remettre un pied en Pologne après les horreurs que ce pays leur a infligées. Ma grand-mère a donc suivi sa volonté et n'y est jamais allée.
Ce voyage, je l'ai fait pour moi-même, pour toute ma famille victime de la Shoah, mais aussi en grande partie pour ma grand-mère.
Avant de partir en Pologne, j'avoue avoir été un peu perdue. Je ne savais pas à quoi m'attendre, ce que je trouverais là-bas et quelles seraient mes réactions. Je ne savais pas comment m'y préparer.
Une fois arrivée en Pologne, mes doutes n'ont fait que grandir. En effet, c’est l’effet inverse qui s’est produit : je pensais y trouver des réponses, mais j'en ressors avec plus de questions et d'incompréhensions.
Ce voyage en Pologne est un voyage qui ne se prépare pas. Chaque visite a créé en moi un sentiment d'impuissance et de vide. Pourquoi une telle haine envers les juifs ? Pourquoi est-ce que les populations non juives de cette époque n'ont pas agi ? Pourquoi ont-ils laissé faire ?
Je repars de ce voyage sans réponses. Je crois qu'il n’y en a pas. Personne ne comprendra jamais pourquoi : pourquoi ces populations ont agi ainsi, pourquoi ces nazis ont agi ainsi. Il faut accepter l'histoire et tout faire pour qu'elle ne se répète pas.
Ce voyage m'a réellement changée. J’ai certes été choquée de ce que j'ai vu et je savais ce qu'il s'était passé en Pologne de manière assez claire grâce aux films, témoignages. Mais simplement parce que je me sens plus proche de mes ancêtres, de ma religion et de ma communauté. La marche de la vie m'a réellement fait prendre conscience de ce lien qui nous unit tous, de notre histoire. C'est en grande partie ce qui m'a fait ressentir un lien plus fort avec ma religion.
Je ressors de ce voyage changée, grandie et prête à faire tout le nécessaire pour que ça n'arrive plus jamais."
Salomé Rubin



